L’univers des chemins de fer en textes et en images, de jour ou de nuit, vu du sol ou depuis les airs

Une sortie, une photo… et pas plus !

William Gill est un Américain qui excelle dans la photographie ferroviaire de nuit au flash. Son travail est « unique » dans tous les sens du terme et en particulier la signification originelle « qui est un seul ». À l’instar de Winston Link, il prépare ses sujets de façon minutieuse, n’hésitant pas à parcourir plusieurs kilomètres à pied ou en bateau. Tout ce travail de fourmi pour ne ramener qu’une ou deux images ! Nous nous trouvons en présence d’une réponse ultime à l’équation « quantité vs qualité ».

Une pratique pas vraiment en vogue

Vous conviendrez avec moi qu’une telle démarche est en opposition frontale avec les pratiques actuelles. En ce début de 21e siècle, la « politique du chiffre » sévit également en matière de photographie, en particulier sur les réseaux sociaux. Ce comportement s’avère possible grâce à la technologie numérique et il conduit à une véritable overdose d’images. Il existe, car il répond aux besoins d’un lectorat, amateur de l’objet représenté (type ou couleur de la locomotive, convoi spécial) plutôt que de la photographie en elle-même. Je suis modérateur et à plusieurs reprises, je suis intervenu sur des groupes Facebook où j’ai demandé une certaine sélection des images partagées (dans des cas manifestes de « vidage de carte mémoire »). Et chaque fois, des commentaires en soutien aux publications ont fleuri. La justification était du style « mais le sujet est intéressant », preuve que c’est bien le thème qui est apprécié avant tout.

Plaidoyer pour la sélection

Sélection, le mot est lâché ! Les photographes ne savent plus ou n’osent plus choisir quoi publier en ligne. On partage en masse, même si c’est souvent médiocre (esthétiquement parlant). Cet excès d’images conduit parfois à une véritable répulsion de l’acte photographique lui-même, un sentiment que j’ai éprouvé en 2021.

Face à ce rejet, j’ai pris des « mesures de protection ». Je me suis imposé un sevrage médiatique (comprenez les réseaux sociaux en général, Instagram en particulier). Je me suis surtout astreint à m’appliquer dans mon travail photographique. Même si je ne rapporte qu’un petit nombre de clichés d’une sortie le long d’une voie ferrée, ils doivent être créatifs et remarquables. La lourdeur de réalisation de certains types d’images que j’apprécie (au drone ou de nuit au flash) m’incite à cette approche minimaliste. Un retour à la technique argentique permet à d’autres personnes de restreindre ce penchant à produire en grande quantité.

Un photographe ferroviaire confirmé m’a conseillé une fois de « ne montrer de [mon] travail que ce qui est réussi et qui a un minimum d’intérêt ».

Un photographe ferroviaire confirmé m’a conseillé une fois de « ne montrer de [mon] travail que ce qui est réussi et qui a un minimum d’intérêt ». En ne présentant que les « bonnes » images, l’auteur montre qu’il a un certain respect de son auditoire. Et sa démarche sera rapidement reconnue comme étant de qualité. Pourquoi y a-t-il ce besoin d’exposer beaucoup de photos ? Faut-il encore et toujours « alimenter la machine » pour dire qu’on est vivant ? L’absence d’images serait-elle une sorte de mort virtuelle ? Les algorithmes de publications des différents réseaux sociaux ne sont malheureusement pas étrangers au développement de ces pratiques.

On pourra me rétorquer que du temps de la photographie argentique, les artistes les plus connus « bouffaient » de la pellicule. Il existe un très bel ouvrage qui montre ce processus à l’agence Magnum (lien). Alors oui, ils mitraillaient leur sujet, mais à la fin il ne restait qu’une seule photo ! Ils sélectionnaient avec soin ce qui allait ressortir du lot pour, en fin de compte, créer des images qui allaient perdurer au fil des années.

Choisir.
Sélectionner.

Voici deux verbes que je souhaite voir mis en pratique par photographes ferroviaires de façon régulière. Notre hobby n’en sortira que grandi.

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