L’univers des chemins de fer en textes et en images, de jour ou de nuit, vu du sol ou depuis les airs

Photographie monochrome et matériel moderne, une contradiction ?

Pendant des décennies, les photographes n’ont pas eu d’autre option que de produire des clichés noir et blanc et à cause de la technologie qui existait. La couleur est arrivée avec la pellicule puis la diapositive. Aujourd’hui, nos (coûteux) appareils photo numériques sont équipés de capteurs qui nous permettent d’immortaliser le monde avec des milliers de nuances. Alors quand un auteur propose une vue monochrome d’un sujet ferroviaire, cette démarche est réfléchie.

La plupart du temps, le choix du monochrome se fait pour des raisons spécifiques et pas du tout créatives. Par exemple, lorsque l’on souhaite contrecarrer une balance des blancs douteuse, le passage par le noir et blanc est une solution redoutable. Il en est de même quand on veut donner une ambiance nostalgique à une image (dans le cas d’une locomotive à vapeur ou d’un matériel ancien).

Certains intégristes insistent sur le fait que la seule photographie noir et blanc digne de ce nom est celle sur pellicule. Produire un cliché monochrome à partir d’un support numérique serait une hérésie pure et simple !

De la Photographie ferroviaire contemporaine numérique monochrome

Pourquoi travailler le « monochrome numérique » en 2018 ? Laissez-moi vous expliquer pourquoi les images noir et blanc réalisées par un capteur électronique constituent une démarche créative originale pour la Photographie ferroviaire en ce début de XXIe siècle.

Première raison : les adeptes d’aujourd’hui ont à leur disposition une gamme d’outils importants qui leur permettent de concevoir des vues monochromes impressionnantes. Cela va des reflex équipés de cellules CCD grand format stabilisé (permettant l’obtention de clichés en faible lumière) aux logiciels puissants capables d’exploiter la richesse des fichiers générés. Nik Silver Efex Pro en est un et constitue une véritable chambre noire numérique. Ce programme autorise toutes sortes de manipulations qui étaient possibles dans les labos photo traditionnels. Ces opérations se font à moindre coût financier, mais également environnemental puisque les passionnés n’ont plus à utiliser divers produits chimiques plus ou moins toxiques.

… quand on photographie une personne en couleur, on photographie ses vêtements. En noir et blanc, on photographie leur âme. Je suis […] persuadé que cela est vrai également pour une locomotive…

Au-delà du simple aspect technique, la motivation majeure pour travailler la photographie noir et blanc est « l’esprit monochrome » (une appellation très personnelle). Sans couleurs, on retire une des principales sources de distraction de l’image. On peut alors se concentrer sur le message du cliché et révéler d’innombrables éléments (des formes, des textures…) qui seraient difficilement détectables dans une scène en couleur. En d’autres mots, on met en lumière un monde inconnu au commun des mortels !

Train de marchandise derrière une BB26000

Le journaliste canadien Ted Grant a affirmé : « quand on photographie une personne en couleur, on photographie ses vêtements. En noir et blanc, on photographie son âme. » Je suis persuadé que cela est vrai également pour du matériel ferroviaire ou toute autre production industrielle. Prenez l’exemple de la BB26000 ci-dessus. Le traitement monochrome du cliché renforce l’aspect géométrique du sujet : les lignes caractéristiques de la locomotive répondent aux formes anguleuses des wagons.

Une image plus forte en noir et blanc

Sur son blog, Eric Kim (photographe de rue) explique que lorsqu’il photographie en monochrome, il peut plus facilement communiquer et transmettre ses ressentis, ses émotions et ses pensées. Produite sciemment, une vue monochrome renforce de façon importante la vision de son auteur.

TGV en gare de Marseille

J’ai pris le cliché ci-dessus en gare de Marseille–Saint-Charles. En couleur, ce n’est qu’une vue ordinaire d’un TGV Duplex qui est prêt à partir, sous un généreux Soleil provençal. Travaillée en noir et blanc, l’image révèle un fort contraste qui crée une tension visuelle. La rame se transforme alors en une flèche dorée qui pointe vers sa destination. On pourrait même imaginer une évocation du légendaire train « la Flèche d’Or » qui reliait Paris à Londres.

Chacune des photographies présentées dans cet article peut être regardée en détail afin de découvrir comment le traitement monochrome les accentue. Elles sont une invitation à entrer dans l’ère du « Monochrome Digital ». Mais attention, il ne s’agit pas de seulement appuyer sur le bouton « convertir en noir et blanc » de votre logiciel de post-traitement favori. Vous devez vous poser quelques questions. Est-ce que l’image est suffisamment forte en monochrome ? Quel est son contraste ? Quelle est la gamme de tons à l’échelle de l’image en entier ?

Pour être prêt à travailler la Photographie ferroviaire contemporaine en monochrome, je vous invite à lire de nombreux livres, à dévorer les blogues de photographes, de visiter des expositions… et d’expérimenter tout simplement ! Vous ouvrirez alors la porte sur un monde d’infinies possibilités.

Note 2023

Depuis que j’ai changé d’outils pour publier du contenu sur ce site, je remets en forme des textes qui étaient apparus sur la version précédente. Le hasard a fait que j’ai décidé de travailler ce texte au moment où se déroulait à une dizaine de kilomètres de Paris un grand événement ferroviaire. L’AJECTA organisait un rassemblement de matériel historique (machines à vapeur, autorails) sur plusieurs jours. Les amateurs ont afflué en masse et de nombreuses photographies noir et blanc ont inondé les réseaux sociaux. Le syndrome du « passage en niveau de gris » avait encore frappé !

Je trouve dommage qu’en 2023, le monochrome soit toujours et quasi uniquement choisi pour aborder des sujets « vintage ». Quand cela est bien fait (je vous invite à découvrir le travail de Stéphane Janiec sur ce thème), le résultat est très fort. Malheureusement, la plupart du temps, un traitement monochrome est appliqué à des scènes avec des tons voisins et moyens. L’image qui en découle est alors très « plate » et fade. Le noir et blanc a besoin de contraste pour s’exprimer ! Il lui faut des zones sombres et d’autres assez claires.

Bien qu’écrit il y a cinq années, ce texte reste pertinent. Avec la galerie de clichés ci-dessous, il donne des pistes de réflexion sur la façon de faire de la photographie ferroviaire monochrome moderne et originale.

Utilisation des clichés de cet article

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