La réflexion que je présente dans ce billet a été initiée par une annonce Instagram du photographe @urbanttraveller. Ce dernier a demandé à ses abonnés s’ils avaient des gens sur leurs clichés. Et en cas de réponse affirmative, quelle était leur approche du sujet. Plusieurs réactions pertinentes et inspirantes ont alors été publiées.
J’ai fait mienne cette interrogation et j’ai pris le temps d’éplucher mes albums photographiques. Force est de constater que j’inclus peu de personnes dans mes images. Et après réflexion, deux raisons l’expliquent : mon incapacité à mettre en valeur les êtres humains et les comportements de mes compatriotes face à un appareil photo.
Deux handicaps de taille
Photographier des gens est synonyme de sortie de ma zone de confort. Je suis mal à l’aise, j’ai l’impression de voler quelque chose. J’ai le sentiment d’être un voyeur et de violer une intimité. Et tout cela se ressent lorsque je m’aventure à tirer le portrait de mes congénères. Forcément, quand je compare mes productions à certains de mes collègues talentueux, je me sens médiocre et imposteur. J’essaye cependant d’explorer ce thème avec des sortes « d’exercices imposés » pendant certains périples. J’ai ainsi pu ramener quelques compositions « acceptables » d’un récent voyage à New York, une première étape pour surmonter ma timidité et mon inconfort sur ce point.
À mon incapacité à traiter ce sujet s’ajoute l’ambiance générale face à un appareil photo, en France comme dans la plupart des pays occidentaux. Beaucoup invoquent le « droit à l’image » lorsqu’un appareil est visible dans un lieu public. Prendre des images d’un départ d’une colonie de vacances dans une gare fait passer le photographe pour un pédophile potentiel. Il est loin le temps où les Doisneau et Cartier-Bresson immortalisaient les visages de la France de tous les jours ! Que restera-t-il comme témoignages visuels de notre époque ? Une parade est l’emploi d’un téléphone portable qui semble accepté et dont le niveau technologique permet des productions correctes.
Un regard sur mes rares productions
Malgré ces deux handicaps, ma photothèque contient quelques clichés qui allient aspect humain et univers ferroviaires.
Beaucoup ont été réalisés au cours de voyages, en particulier en Asie (en Malaisie, en Corée du Sud ou en Thaïlande). J’interprète cela par le fait que lors de mes visites, les gares aseptisées ou « centre -commercialisées » comme nous les connaissons en Europe n’existaient pas. Une certaine authenticité offrait de nombreuses scènes de la vie de tous les jours à immortaliser. De plus, dans le cas de la Thaïlande, les gens sont demandeurs et invitent le ou la photographe avec un geste ou un sourire. Peut-être que cette facilité à l’étranger s’explique par les différences culturelles qui me permettent de m’affranchir de mes peurs de photographier autrui ?
J’ai aussi souvent tiré le portrait des personnes de loin ou de dos. J’y vois là une première approche, un premier accroc à cette timidité à photographier l’autre. Les images produites ne sont pas forcément désagréables à regarder. Mais l’absence de visage, de regard, empêche une connexion émotive avec le sujet qui rend une photographie efficace.
Une tactique pour contrer la gêne et le regard des autres consiste à faire des gros plans, en particulier sur les mains. « Les mains au travail » est un thème que j’apprécie et que j’étudie depuis de nombreuses années.
Enfin, un dernier subterfuge pour inclure un aspect humain dans mes clichés est l’autoportrait. Étant cheminot, je me suis mis en scène plusieurs fois dans le cadre de mon travail. Certes, je dois surmonter la difficulté de me montrer, mais en fin de compte, il y a une facilité de se photographier. Après, il est légitime de se poser la question de la véracité et de la « réalité » des images produites puisqu’elles sont préparées. Dans tous les cas, elles sont effectuées dans un environnement ferroviaire authentique, en respectant les gestes de mon métier.