Dans le monde de la photographie ferroviaire, il n’est pas rare de rencontrer des réflexions ironiques sur les rames contemporaines, souvent qualifiées de « trains en plastique ». Ce terme péjoratif suggère que ces matériels ne possèdent aucun charme, aucune personnalité. En les comparant aux designs des trains du passé, cette critique implique que ce qui circule aujourd’hui, fréquemment construit avec des produits synthétiques, manque de l’élégance, de la robustesse et de l’authenticité qui caractérisaient les anciens modèles. Cette perception les présente comme étant uniformes et sans individualité, dépourvus de l’âme et de l’histoire que leurs prédécesseurs semblaient incarner, réduisant ainsi leur valeur esthétique et leur attrait émotionnel.
Les rames de type AGC/ZGC sont les premières qui se voient affublées du titre de « train en plastique ». Même si leur design s’avère discutable, ces automotrices sont le symbole du transport régional français des années 2000. Le choix d’un environnement intéressant permet de passer outre les réticences esthétiques qu’on pourrait avoir envers ce matériel !
Comme le dit l’adage, « des goûts et des couleurs, on ne discute pas. ». Les préférences de chacun ou de chacune en matière de goûts et d’esthétique sont subjectives et varient d’une personne à l’autre. Il est superflu de débattre ou de critiquer ces choix, car nous avons nos propres inclinations et appréciations. Je comprends parfaitement que certains ont un faible pour le design et les livrées des trains d’autres époques.
J’aime beaucoup pour les combinaisons de teintes utilisées par certaines compagnies ferroviaires britanniques, telles que GWR (Great Western Railway) et EMR (East Midlands Railway). J’affectionne particulièrement le mariage harmonieux de leurs palettes de couleurs sobres et élégantes, qui dégagent une certaine sophistication. Ces choix esthétiques reflètent un goût raffiné et apportent une touche de distinction aux trains, et contribuent à une identité visuelle unique et intemporelle
Je trouve que la livrée actuelle (mise en place en 2015) des trains de la compagnie Great Western Railway (GWR) est particulièrement belle. Le « Vert Brunswick » est une teinte utilisée par de nombreuses machines à vapeur dès 1920, en particulier chez GWR. Elle apporte une touche d’élégance intemporelle à cette automotrice de type class 387.
Aller au-delà des apparences
Cependant, d’un point de vue photographique, devons-nous snober les « trains en plastique » ?
La réflexion qui a provoqué l’écriture de ce billet m’est venue après avoir découvert un cliché d’un autorail japonais sur Instagram. On ne peut pas faire plus basique comme design : une boîte sur roues ! En matière d’aérodynamisme, on a vu bien mieux. Et pourtant, l’image était magnifique. Ce n’était pas seulement dû à l’habileté du photographe, mais surtout au décor dans lequel le convoi avait été capturé. Le paysage environnant ajoutait une dimension supplémentaire, mettant en valeur le train d’une manière inattendue. En outre, l’émotion véhiculée par cette photo était palpable, évoquant les « petits trains locaux » qui, malgré leur simplicité, jouent un rôle essentiel dans la vie quotidienne des communautés éloignées.
Les autorails du type 54-500 sont vraiment le minimum en terme de design ferroviaire : une boite sur roues ! Une unité parcourt la Senmo line, au nord de l’île d’Hokkaido (Japon). Lorsque l’environnement est le sujet principal de l’image, le sujet ferroviaire et son look a une une importance moindre.
Ce cliché m’a fait réaliser que se focaliser uniquement sur l’apparence d’un matériel, c’est se priver de nombreuses occasions photographiques. Il faut savoir aller au-delà de ses a priori et découvrir la beauté cachée dans les éléments modernes du paysage ferroviaire. Chaque train, aussi modeste soit-il du point de vue de son design, peut devenir le sujet d’une photographie exceptionnelle si on arrive à l’inscrire dans un contexte visuel et émotionnel riche.
Des pistes de réflexion
Pour en finir avec le rejet des trains dits « en plastique », je vous propose deux pistes de réflexion qui peuvent transformer notre perception et notre approche photographique de ces véhicules modernes.
« The railroad and the Art of place » : l’art de considérer l’environnement des installations ferroviaires comme thème principal de l’image. À cet égard, le drone permet de prendre suffisamment de distance pour « diminuer » la place qu’occupe le train dans la composition finale.
La première concerne l’environnement de la voie ferrée, un concept que les Américains désignent par « the railroad and the art of place », et qui est particulièrement cher au Center for Railroad Photography and Art (CRPA). Cette notion met l’accent sur l’intégration harmonieuse du train dans son paysage, qu’il soit naturel ou urbain. L’idée est de créer des compositions visuelles où le matériel roulant, aussi moderne et banal est-il, devient un élément secondaire. Le véritable sujet de la photo est alors le cadre, qui donne une nouvelle dimension au train. Une scène montagneuse, une forêt dense, une rivière sinueuse, ou même une ville animée peuvent servir de toile de fond pour sublimer n’importe quel engin. En se concentrant sur le paysage, le photographe peut révéler la beauté cachée et la relation entre la technologie et la nature, ou entre l’infrastructure urbaine et les moyens de transport contemporains.
La nuit possède une ambiance unique qui transforme les paysages et les scènes urbaines en tableaux captivants. L’obscurité enveloppe le monde dans une atmosphère mystérieuse, accentue les contrastes et met en valeur les lumières artificielles. Il en résulte une image aux qualités esthétiques et émotionnelles évidentes.
La deuxième piste de réflexion est le contexte immédiat du train, les ambiances et les moments particuliers qui y sont rattachés. Photographier les trains en situation, c’est capturer des scènes de vie, les instants de départ ou d’arrivée, et les interactions humaines qui les entourent. Chaque gare, chaque quai, chaque passage à niveau devient un théâtre potentiel où des aventures se déroulent. Les voyageurs qui se disent au revoir, les cheminots qui vaquent à leurs occupations, les enfants fascinés par la présence des trains : ces instants fugaces véhiculent une émotion qui transcende le simple aspect technique du matériel roulant. En se concentrant sur ces moments, le photographe raconte des anecdotes, donne une âme au train et crée une connexion affective avec le spectateur. C’est ainsi que le banal devient exceptionnel, que le quotidien se transforme en art.
Découvrir la magie des trains modernes
En fin de compte, il est essentiel de se détacher du simple aspect technique des matériels pour pouvoir apprécier et capturer toute la richesse de la photographie ferroviaire. Les « trains en plastique », malgré leur design souvent jugé banal, offrent une multitude d’opportunités créatives pour les photographes qui savent regarder au-delà des apparences.
Adopter une approche plus ouverte et explorer les interactions entre ces trains contemporains et leur environnement nous permet de révéler des histoires visuelles captivantes. En nous concentrant sur les moments de vie autour des trains, nous humanisons notre sujet et établissons des connexions émotionnelles avec notre audience.
Aborder la photographie ferroviaire sous l’aspect de la créativité permet de ne pas s’attarder à l’aspect du matériel.
La véritable magie de la photographie ferroviaire réside dans notre capacité à capturer l’âme de ces machines dernier cri à travers les lieux qu’elles traversent et les personnes qu’elles touchent. En embrassant la diversité des trains contemporains, nous ouvrons la porte à une multitude de possibilités créatives. Continuons à explorer et à immortaliser les instants qui rendent chaque trajet unique.
Mais finalement, la question demeure : sommes-nous prêts à redéfinir notre vision des trains modernes et à les célébrer pour la richesse visuelle qu’ils peuvent offrir ?
Utilisation des clichés de cet article
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