Au début du mois de novembre 2022, les SRT (State Railway of Thailand, les chemins de fer thaïlandais) ont mis en service une toute nouvelle gare, Bang Sue Grand Station. À terme elle sera le point central des circulations ferroviaires du royaume. Elle pousse vers la sortie le terminal historique, Hua Lamphong.
Je voyage fréquemment dans cette région du monde pour des raisons familiales. J’ai donc accumulé les clichés de cette gare depuis dix ans. L’annonce de sa fermeture programmée (en 2027) m’a fait réaliser que je n’avais jamais présenté de façon exhaustive mon travail photographique sur la Thaïlande. Je commence avec une série hommage à Hua Lamphong.
Le contexte
Placé au cœur de Bangkok, l’imposant bâtiment a été construit en 1916. Son architecture s’inspire de la gare allemande de Francfort Hbf. Douze quais permettent d’accueillir des trains à destination de la proche banlieue, mais aussi des villes éloignées. Il existait même une liaison jusqu’à Butterworth (Penang) en Malaisie lors de mes venues. Ce train est aujourd’hui limité à la frontière suite à l’amélioration des infrastructures malaisiennes.
L’appellation Hua Lamphong apparaît dans les publications destinées aux touristes. Les documents horaires et les voyageurs thaïlandais utilisent le nom de Sathani Rotfai Krung Thep. Les installations ferroviaires étaient figées dans le temps jusqu’à ce que la modernisation du réseau soit décidée en 2017. Cela consistait à doubler l’intégralité des voies et à acheter du matériel dernier cri. Plus récemment, des projets de lignes à grande vitesse ont vu le jour. Il s’agit de programmes cofinancés avec des pays voisins. À ce jour, le seul qui semble se concrétiser est celui en direction de la Chine via le Laos (et éventuellement prolongé vers la Malaisie et Singapour).
Ces évolutions sont synonymes de fin pour le chemin de fer « d’autrefois » et une entrée dans le monde ferroviaire moderne et aseptisé.
Ces évolutions sont synonymes de fin pour le chemin de fer « d’autrefois » et une entrée dans le monde ferroviaire moderne et aseptisé. Cette vision des choses sera peut-être considérée comme une sorte de nostalgie colonialiste (bien que la Thaïlande n’ait jamais subi le joug d’une puissance étrangère). Bien évidemment, les Thaïlandais doivent bénéficier du train du XXIe siècle, pour limiter les impacts environnementaux. La volonté des autorités est d’ailleurs de transférer un maximum de voyageurs et de marchandises sur le rail. Mais sur place, certains évoquent un prix lourd à payer pour les plus pauvres. Les nouvelles rames pourraient ne transporter que les plus aisés et surtout les touristes.
Le charme de Hua Lamphong
Le livre « Railway Bazaar », écrit par Paul Théroux, raconte un voyage de Londres à Singapour et le Japon, en train, au début des années 70. L’auteur y décrit son parcours en détaillant les voitures, les convois et les gares. Plusieurs années après ma lecture de ce livre, j’ai retrouvé une partie de cet imaginaire lors de mes passages dans le terminal de Bangkok.
Jugez plutôt : des voitures de troisième classe usées jusqu’à la corde, des cuisinières en train de laver les woks de la voiture-restaurant ou des moines aux robes safran de retour vers leur temple de campagne. Et en tête des convois brinquebalants, des locomotives rafistolées vomissent leurs poumons d’acier pour s’arracher des quais.
Tout est une matière de choix pour le photographe amoureux des trains que je suis. Et puis il y a un truc tout bête : les fenêtres des voitures s’ouvrent. Les passagers se penchent, disent bonjour, crachent ou achètent à manger aux vendeurs à l’extérieur. Autant d’humanité que la climatisation fait disparaître définitivement.
Pour conclure, la gare de Bangkok est une véritable galerie de « tronches » et de tranches de vie, celles des gens modestes. Pendant plus de dix années, elle a été une source d’inspiration et m’a permis de sortir des sentiers battus. J’ai ainsi pu pratiquer le portrait de façon assez convaincante comme vous pourrez le constater dans la sélection ci-dessous.
Utilisation des clichés de cet article
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